Immunology of Diabetes Society : l’essentiel du 23 mai 2023.
Le congrès de l’Immunology of Diabetes Society, l’un des Grands Chelem de la diabétologie, a commencé ce mardi 23 mai à Paris, réunissant plus de 600 chercheurs, médecins et étudiants impatients de voir le diabète de type 1 vaincu. Retour sur les échanges de ce mardi 23 mai.
La balle est dans le camp du dépistage du diabète de type 1.
On n'en entend pas beaucoup parler en consultation et pourtant, il existe des programmes de dépistage du diabète de type 1 (DT1) à travers le monde. En France, c’est le réseau Innodia qui s’en charge.
ASK (Autoimmunity Screening for Kids) dans l’État du Colorado et FR1DA en Bavière sont deux programmes de référence dans le dépistage du diabète de type 1 qui mesurent les anticorps. On dépiste pour éviter l’acidocétose diabétique et pour que l’annonce du diagnostic ne prenne de court. La présence de deux anticorps permet de déterminer un diabète de type 1. Le chercheur Marian Rewers suggère que le dépistage commence à l’âge de deux ans et qu’il soit répété une ou deux fois si le résultat est négatif.
Le développement de ces programmes de dépistage soulève de nouvelles questions. Parmi celles mentionnées par les intervenants du jour, on retient qu’il faut éduquer les professionnels de santé pour que le dépistage des proches des personnes vivant avec un DT1 soit systématiquement proposé. D’autre part, il faut travailler à une communication sur les implications du dépistage qui soit claire et empathique. Un test négatif ou la présence d’un seul anticorps ne signifie pas que la personne dépistée ne développera pas de diabète de type 1 les années à venir. Comment l’expliquer au patient sans qu’il jette sa raquette sur le diabéto ? “Il est temps qu’on dépiste et qu’on propose des traitements qui peuvent modifier le cours de la maladie” conclut la professeure Chantal Matthieu d’Innodia.
Plus fiable que les pronostics sur la quinzaine à Roland Garros, le dépistage du diabète de type 1 permet de savoir avec plus de certitudes qui sera le prochain perdant de l’auto-immunité.
Si vous vivez en France ou en Europe, trouvez le centre de dépistage du diabète de type 1 le plus proche : https://www.innodia.eu/fr/map/
Si vous vivez en Europe du Nord : https://diaunion.org/en/get-involved/#Registration
Si vous vivez en Allemagne : https://www.typ1diabetes-frueherkennung.de/
Si vous vivez en Grande-Bretagne : https://www.elsadiabetes.nhs.uk/taking-part et https://t1early.com/
Si vous vivez aux Etats-Unis : https://www.askhealth.org/locations et https://www.trialnet.org/locations
Implication des patients dans la recherche : pour un match accessible à tous.
Pour un match équitable, Jeannette Soderberg, directrice de la recherche de la Juvenile Diabetes Research Foundation (JDRF), plaide pour que les patients soient plus impliqués dans les essais cliniques et dans les congrès médicaux. Soderberg souligne que l’engagement des patients dans les essais cliniques permet de faire des économies et d’aller plus vite. D’un autre côté, impliquer des patients dans les conférences scientifiques augmente la portée de l’information scientifique, surtout sur les réseaux sociaux, canaux de communication privilégiés les semaines de congrès. Un congrès dans lequel les patients sont présents génère deux fois plus de tweets qu’un congrès sans patients. Les fans de tennis diraient : “Ouvrez le court Philippe Chatrier !” Nous disons : “Ouvrez les congrès !”
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Immunothérapie : tolérance et timing pour monter au filet.
Que l’immunosuppression prenne exemple sur Rafael Nadal et déclare forfait. Lucienne Chatenoud de l’Institut Necker à Paris insiste : “il faut absolument quitter l’immunosuppression pour tendre vers la tolérance du système immunitaire”.
Les immunothérapies envisagées aujourd’hui dépassent les dogmes établis de longue date sur le diabète de type 1. Le système immunitaire est indispensable pour se protéger de l’ensemble des infections, des virus et des tumeurs qui pourraient survenir. Mais s’il disparaît de la circulation, comment le faire évoluer en faveur du pancréas ? C’est le cœur de la vision qui est à présent partagée par les recherches et les essais cliniques en cours. La tendance est au ralentissement et à la rééducation des cellules qui agressent, pour les rendre plus tolérantes.
Mais si on souhaite obtenir des résultats en s’appuyant sur un système immunitaire défaillant, il y a des moments plus opportuns que d’autres pour le faire. Des fenêtres thérapeutiques commencent à être identifiées, mais il manque encore des biomarqueurs performants pour annoncer précisement les changements de phases du DT1 et informer sur sa progression. Si la phase 3 correspond au diagnostic, c’est une phase trop avancée pour espérer un retournement de situation. Ce n’est pas le cas de la phase 1 par exemple, pour laquelle, sur des souris, une rémission a pu être observée : des cellules immunes de nouveau tolérantes et des cellules productrices d’insuline préservées. L’autorisation du Tzield, le premier médicament qui retarde l’apparition du DT1, est une première étape. Reste à identifier les phases préliminaires et les signaux annonciateurs de la phase 1 pour anticiper toujours plus la prévention.
En immunologie comme sur terre battue, on gagne toujours à faire évoluer son jeu et à anticiper les coups pour marquer des points.
Immunologie : tout est dans la raquette ?
Les chercheurs qui s’intéressent aux nouvelles immunothérapies pour donner une tournure favorable au diabète de type 1, s’appuient sur un matériel que tout le monde possède : des gènes. Ces derniers assument une partie de la responsabilité dans l’apparition du diabète de type 1, aux côtés de facteurs environnementaux en cours d’identification à travers des essais cliniques. S’il reste beaucoup de choses à apprendre à leur sujet, il semble qu’une même mutation génétique puisse se traduire de différentes manières. Plusieurs maladies aux manifestations aussi variées que sérieuses pour la santé ont ainsi un point commun génétique.
C’est ce que nous partage le Professeur Frédéric Rieux-Laucat de l’Institut Imagine de Paris. Il invite à envisager un diagnostic d’auto-immunité durant l’enfance comme une expression d’une maladie génétique pédiatrique. Il y a pour lui un intérêt rationnel de chercher des prédispositions monogéniques chez les patients diagnostiqués avec un diabète de type 1. Cela implique en parallèle d’ouvrir la réflexion, pour le diabète de type 1, à des thérapies communes à plusieurs maladies, dont certaines sont déjà en place.
À l’instar de la raquette entre les mains des tennismen, un même matériel génétique permet de jouer une variété de coups différents : reste à identifier la méthode d'entraînement qui en donnera la maîtrise.
Jeu, selles et match pour B. longum ?
Le microbiote intestinal s’amorce à la naissance avec les microbes vaginaux et digestifs de la mère. Puis le sevrage avec diversification alimentaire est une période critique d’éducation immune et d’enrichissement bactérien à ne pas louper. La dysbiose, causée par un traitement antibiotique par exemple qui perturbe la flore intestinale, peut déclencher une auto-immunité diabétogène et un déséquilibre glycémique explique Tommi Vatanen. De fait, un panachage bactérien intestinal de compétition (niveau Nadal) est essentiel pour remporter le match de la vie. Escherischia Coli est un bon stimulant, mais ce n’est pas du tout le cas des Bacteroides, dominants en Occident après avoir remplacé progressivement les bifidobactéries salutaires implantées durablement par l’allaitement maternel. Rassurez-vous, on peut compenser par des probiotiques qui réduisent l’immunité anti-îlots de Langerhans avant et après le diagnostic de DT1. Quant à choisir les meilleures souches probiotiques, l’intelligence artificielle qui modélise les molécules y pourvoit : elle prédit les réactions chimiques des différentes souches bactériennes avec les aliments. Bifidobacterium longum semble en tête du match pour l’instant… bien sûr absent des boyaux occidentaux. Une opportunité de développement industriel à n’en pas douter.