Maladies cardiovasculaires liées au diabète de type 1 : l’étude SFDT1 expliquée.
La Société Francophone du Diabète et la Fondation Francophone pour la Recherche sur le Diabète lancent SFDT1, une étude nationale en vie réelle coordonnée par les professeurs Jean-Pierre Riveline et Emmanuel Cosson, dont le but est d’identifier de nouveaux facteurs associés aux évènements cardiovasculaires. 10 000 personnes vivant avec un diabète de type 1 seront suivies pendant 30 ans. On vous explique en quoi elle consiste.
Pour mieux comprendre les enjeux de l'étude, nous avons rencontré Laura Sablone en février 2022, cheffe de projet de l'étude SFDT1. Elle nous explique : "Même lorsque le diabète est équilibré, il existe un surrisque de mortalité, en moyenne douze ans plus jeune que la population générale. Ce surrisque est souvent dû à des évènements cardiovasculaires (infarctus, AVC…). On ne sait pas comment l’expliquer aujourd’hui. Notre but principal est de comprendre ce surrisque cardiovasculaire en identifiant de nouveaux déterminants environnementaux, génétiques, cliniques et psychosociaux."
Les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 1.
Plusieurs articles scientifiques alertent sur la prévalence de maladies cardiovasculaires chez les personnes vivant avec un diabète de type 1. Dans un article datant de 2019, des scientifiques britanniques écrivaient que “le diabète de type 1 est associé à une mortalité presque trois fois plus élevée que celle de la population générale. L'athérosclérose (dépôt d’une plaque de lipides dans les artères) prématurée est le principal facteur de cette surmortalité, tant chez les hommes que chez les femmes, les événements cardiovasculaires survenant plus d'une décennie plus tôt. Une méta-analyse récente a estimé que la part de mortalité attribuable aux maladies cardiovasculaires était de 5,7 pour les hommes et de 11,3 pour les femmes atteints de DT1.”
Encore en 2022, les chercheurs ont du mal à comprendre les mécanismes sous-jacents au développement de maladies cardiovasculaires chez les personnes vivant avec un diabète de type 1. SFDT1 tombe donc à point nommé, et si l’étude est un succès, elle répondra à de nombreuses questions que la communauté se pose.
Suivre activement 10 000 personnes diabétiques de type 1 pendant 10 ans et passivement pendant 30 ans est une première mondiale.
Les Français ne sont pas les premiers sur le devant de la scène de la diabétologie mais voilà une étude qui devrait susciter l’intérêt des scientifiques du monde entier. SFDT1 est une étude colossale, tant au niveau des moyens investis que de la méthode utilisée.
En effet, SFDT1 collecte quatre types de données au cours de trois visites à l’hôpital sur une décennie. Les données cliniques ou aussi appelées données de soin courant, collectées classiquement par les diabétologues lors des consultations (comme le poids, le traitement utilisé), les glycémies, les données biologiques (prélèvements de sang, urine, cheveux, salive, qui sont facultatifs) et les données psychosociales récoltées par le moyen de questionnaires mensuels envoyés par mail et portant sur divers thèmes (la sexualité, la charge mentale…). Ces données seront par la suite recoupées et comparées avec les données du système national de données de santé (SNDS)¹.
¹ Créé en 2016, le système national des données de santé regroupe toutes nos données de santé, celle de l’Assurance Maladie, des hôpitaux, les causes des décès, etc.
Une question de recherche qui mobilise les industriels et les associations de patients.
L'étude SFDT1 coûte entre 2 et 3 millions d'euros par an. Elle est sponsorisée par de grands acteurs du monde du diabète, allant des laboratoires aux associations. Elle a notamment travaillé avec le Diabète Lab de la Fédération Française des Diabétiques pour créer un contenu compréhensible par les patients.
Que deviennent nos données ?
Comme dans toute étude scientifique, les données des participants sont pseudonymisées, c’est-à-dire qu’il est impossible de remonter jusqu’au patient, un point précieux pour Laura Sablone et l’équipe SFDT1. Les données sont collectées de façon sécurisée par une société de recherche contractuelle nommée Sanoia puis stockées chez un hébergeur de données de santé agréé dans le respect du règlement général sur la protection des données. Elle compte la Fédération Française des Diabétiques ou encore France Assos Santé parmi ses autres clients. "Si une équipe de recherche (privée ou académique) souhaite réaliser une étude, ils doivent soumettre leur question de recherche au conseil scientifique de SFDT1 et être conforme d’un point de vue réglementaire. Si elle est approuvée, nous pourrons alors leur fournir des rapports de données agrégées, jamais aucune donnée nominative ne sera fournie." Laura Sablone rappelle qu’ils "ne compareront jamais de traitements ou de marques entre elles." Quant aux données génétiques comme les prélèvements sanguins ou salivaires, elles sont stockées dans une banque de données en France.
Les données biologiques des participants sont stockées dans une biobanque pendant 20 ans.
Une biobanque est une banque de données biologiques (à ne pas confondre avec une banque bio, qui ne prend pas ses clients pour des poires et ne fait pas trop pousser les intérêts). C’est là-bas que sont conservés jusqu’à -80 degrés les échantillons de salive, de sang, d’urine et de cheveux pour une durée de 20 ans après la fin de l’étude, date limite de conservation selon la réglementation française. Environ 800 000 échantillons y seront stockés. Ça prend beaucoup de place dans le frigo, bien plus qu’un mois d’insuline au frais !
Comment participer à l’étude SFDT1 ?
Aujourd’hui, le recrutement s’effectue dans 70 centres en France métropolitaine et en Outre-mer, à l’hôpital mais aussi dans certains cabinets libéraux. Pour être éligible à l’étude SFDT1, il faut avoir un diabète de type 1 diagnostiqué entre 1 et 35 ans et être âgé d’au moins six ans. En février 2024, plus de 3 000 patients étaient inscrits dans l’étude, et 10 000 sont attendus d’ici fin 2027. Deux articles ont déjà été publiés. Étude à suivre.