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Musée de la maison de Frederick Banting : visite guidée du lieu de naissance de l'insuline.

Située à 200 km de Toronto au Canada, la petite ville de London est sous les feux des projecteurs en cette année de commémorations. L’âme du feu Frederick Banting, découvreur de l’insuline en 1921, vit toujours dans sa petite maison située au 422 Adelaide Street North. C’est dans cette maison, à l’aube du 31 octobre 1920, que Banting eut une idée fulgurante qui changera le cours de l’Histoire de la médecine pour toujours. En 1984, la maison est devenue un site historique et un musée. Le Diabète Enchaîné a rencontré Grant Maltman, historien et conservateur du musée.

Musée de la maison de Frederick Banting : visite guidée du lieu de naissance de l'insuline.
Musée de la maison de Banting / courtoisie du musée
  • Cet article a été publié à l'origine dans Le Diabète Enchaîné #10, en juin 2020. 

  • Le Diabète Enchaîné : Que trouve-t-on dans la Maison de Banting ?

     

    Grant Maltman : Beaucoup de personnes espèrent visiter un musée de l’insuline mais nous ne sommes pas le musée de l’insuline. C’est une maison historique. La maison appartient à l’association Diabetes Canada. Nous sommes aussi un site national. Nous avons rénové les trois pièces : sa chambre, son cabinet, et sa pharmacie. Le reste de la maison raconte l’histoire de l’association. Dans la première galerie, tu y trouves l’histoire de la maison. On nous désigne souvent comme le lieu de naissance de l’insuline. C’est controversé puisque l’insuline à véritablement été découverte à Toronto. Mais en 1923, lorsqu’il remporte le Prix Nobel, il vient ici à London et il crédite la ville pour la découverte de l’insuline. Des journalistes américains et canadiens ont pris en photo la maison et les ont intitulées « le lieu de naissance de l’insuline ». Donc ce n’est pas une invention de Diabetes Canada puisque depuis 1923 nous sommes comme connus sous ce nom.

     

    On y parle de la visite royale en 1989, lorsque la reine mère est venue ici allumer la Flamme de l’Espoir devant la maison. Cette flamme symbolise les vies perdues à cause du diabète mais aussi l’espoir de trouver un jour un remède. Le docteur ou l’équipe qui trouvera le remède pour guérir le diabète viendra à London pour éteindre la flamme. Il ou elle ouvrira aussi une capsule historique, créée par les jeunes délégations de la Fédération Internationale du Diabète en 1991, pour le centième anniversaire de Banting. Dans une autre galerie, on présente Banting pendant la Première Guerre Mondiale. Il a fait la guerre et était même un héros de guerre. Il a reçu la Croix militaire, qui est la deuxième plus prestigieuse distinction sous l’Empire Britannique, pour ses faits en 1918 à la Baie de Cambrai en France. Donc trois ans avant d’être l’inventeur de l’insuline, il est un héros de guerre. Mais on le connait plus pour l’insuline que pour ses faits de guerre. On a refait son cabinet médical pour donner une idée de ce à quoi il ressemblait à son époque. Au deuxième étage, on y expose sa médaille de chevalier d’honneur et son histoire lors de la Deuxième Guerre mondiale. Il faisait de la recherche pour les Alliés. Il est mort dans un crash d’avion en Angleterre en 1941. On parle de ses projets de recherche : les chambres de décompression, les combinaisons anti-g pour les pilotes, les armes chimiques…

     

    C’est ici où tout à commencé, c’est le lieu de naissance de cet élixir miraculeux.

     

    Dans une autre galerie, on raconte l’histoire du diabète à travers des timbres venant du monde entier. On vient tout juste d’exposer le nouveau timbre qui est sorti à l’occasion du centième anniversaire de la découverte de l’insuline. On parle aussi de la controverse du Prix Nobel. Tout le monde pense que c’est Frederick Banting et Charles Best qui auraient dû recevoir le Prix Nobel, même si ceux qui l'ont reçu sont Banting et Macleod. En 2021, on célèbre le 100e anniversaire de la découverte de l’insuline alors c’est intéressant de savoir à qui revient le mérite. Ce que j’aime sur le nouveau timbre qui vient de sortir, c’est qu’on y célèbre l’anniversaire sans montrer de visage, mais plutôt les lettres de remerciement de patients et un flacon d’insuline.

     

    La dernière galerie se nomme "This is Art". Banting a commencé à peindre à London. En se promenant dans la rue, il est tombé sur une galerie d’art et s’est mis en tête de reproduire ce qu’il avait vu. Il a acheté tout le matériel, et comme il était pauvre à cette époque, il ne peignait pas sur une toile mais sur du carton qu’il récupérait du pressing. On a justement la seule peinture datant de cette période. Pour Banting, l’art devient un moyen de s’échapper. Un jour, il expose deux de ses toiles à l’Université de Toronto et l’un des spectateurs rétorque que la seule école d’art que Banting peignait était l‘école de médecine. Un autre spectateur a dit de son art qu’il y avait un air de ressemblance avec le Groupe des Septs, qui regroupait à cette époque les artistes canadiens les plus célèbres. L’art et la science ont ça en commun : ils repoussent les limites. C’était un bon peintre. Ici au musée, on a la plus grande collection de ses œuvres, datant de 1920 à 1937, et tu peux clairement voir une évolution dans son art.

    Tableau de Frederick Banting. Il en aurait peint plus d'une centaine.
    Tableau de Frederick Banting. Il en aurait peint plus d'une centaine.
  • Pourquoi la chambre de Frederick Banting est-elle si spéciale ?

     

    Les gens viennent au musée pour célébrer leur “diaversaire” [anniversaire du diagnostic de diabète, ndlr] . Vous pouvez par exemple écrire et déposer une lettre dans la chambre de Banting. C’est assez émouvant car les lettres sont authentiques. Elles invitent la communauté du diabète à se partager des messages. Il y a un espace avec un tas de lettres. Quand Banting était en vie, il recevait des lettres écrites par des enfants sur des fiches de recettes. Je me souviens d’une jeune fille qui avait écrit : “Cher Dr. Banting, aujourd’hui c’est mon “diaversaire” et j’ai 25 ans. Merci de m’avoir maintenue en vie ces seize dernières années. Je voulais juste vous faire savoir que j’étais en vie et que j’allais bien. Merci”. Cette partie de l’exposition est l’une des choses dont je suis le plus fier. Avec elle, l’Histoire devient réelle. Il y a plusieurs préjugés sur le diabète alors quand les gens voient cela, ils se rendent compte à quel point ce médicament est un miracle.

     


    En terme de recherche, on est plus près de trouver une solution qu’il y a 100 ans. J’espère juste qu’on n’aura pas à attendre encore 100 ans. Des chercheurs viennent ici et s’allongent sur le lit de Banting et demandent à faire une photo. Une fois, un chercheur s’était allongé sur le lit et m’avait dit : “J’étudie le diabète depuis plus de 30 ans, et maintenant que je suis venu ici je finirais peut-être son travail”. Plus de 460 millions de personnes cherchent cette réponse, si tu penses qu’une petite sieste peut t’aider, vas-y. Cette chambre a un impact émotionnel à la fois sur les chercheurs, mais aussi sur les parents et les personnes qui vivent avec le diabète. Cela montre aussi l’importance des lieux historiques lors des célébrations.

    Chambre de Banting / courtoisie du musée
    Chambre de Banting / courtoisie du musée
  • Comment peut-on visiter le musée depuis la France ? Avez-vous mis en place des expositions virtuelles ?

     

    Nous préparons une visite guidée en réalité augmentée, grâce à laquelle vous pourrez visiter le musée de n’importe où. Pour le moment cette visite ne sera pas encore disponible en français, mais on y travaille. L’exposition permanente ici au musée est en français et en anglais. Et nos guides parlent le français. On travaille aussi à la traduction française de notre site internet.

     

    Frederick Banting est un héros malgré lui.

     

    Quelle était la personnalité de Banting ?

     

    C’était un héros malgré lui. On vient juste de sortir de la guerre, d’avoir notre Constitution de retour et voilà : nous sommes sur la scène internationale. Banting est le plus jeune récipiendaire du Prix Nobel à cette époque-là. Et à partir de ce moment-là, tout le monde veut connaître son avis. C’est aussi le premier Canadien à être sur la couverture du magazine américain Time. Il essaie néanmoins tant bien que mal d’échapper à cet héritage. Dans un de ses discours, il dit : "Il y a trois ans, avec mon idée, je me suis mis en couple avec le diabète; il y a deux ans, quand les expériences ont commencé, j’étais marié ; et aujourd’hui avec le Prix Nobel, je demande le divorce." Tout le monde disait que si Banting avait vécu plus longtemps il aurait guéri le diabète. Il a pourtant quitté la recherche sur le diabète dès 1925. Aux alentours de 1938-39, il rend visite aux chercheurs aux quatres coins du Canada. Lors d’une de ses escales, un journaliste l’interroge sur une découverte inédite sur le diabète au Royaume-Uni. Il lui répond : "Le diabète ? J’en n’ai jamais entendu parlé". Et s’est en allé. Il est revenu sur ses pas car il a dû se rendre compte que c’était une réponse irresponsable et a avoué ne plus s’intéresser au sujet depuis 1925. Ce qu’il aimait vraiment c’était enseigner. Il disait de ses étudiants qu’ils étaient ses enfants. Je pense que la découverte de l’insuline était pour lui un fardeau dans le sens où c’est difficile de faire mieux que ça dans une vie.

    Statue de Frederick Banting / courtoisie du musée
    Statue de Frederick Banting / courtoisie du musée
  • Prévoyez-vous une commémoration spéciale pour les 100 ans de l’insuline ?

     


    Nous prévoyons une exposition spéciale sur Teddy Ryder et son histoire. C’est l’un des premiers patients de Banting. Sa famille nous a donné ses archives et nous avons son premier flacon d’insuline, qui date de 1922. J’aimerais réaliser une exposition en ligne nommée “Diabetes Ink” qui exposerait les tatouages liés au diabète dans le monde entier. Certains se font tatouer une seringue, la molécule de l’insuline, la flamme de l’espoir, les visages de Best et Banting. J’ai vu des parents se faire tatouer un capteur de glycémie pour soutenir leur enfant diabétique. C’est une façon de montrer qu’ils contrôlent leur diabète et non l’inverse. On a aussi publié une vidéo d’une minute sur la découverte de l’insuline.

  • Pourquoi les gens sont-ils encore si attachés à la maison ?

     

    Cent ans plus tard, on a des meilleures insulines mais on n’a rien de mieux que l’insuline. Les gens viennent ici en pèlerinage et certains font même référence à la Mecque du diabète. La chambre est une pièce spirituelle où on peut venir pour s’y recueillir ou y pleurer. Il y a 50 ans, quand tu avais mal à la tête tu prenais de l’aspirine. Plus personne ne prend de l’aspirine de nos jours. Pour l’insuline, c’est toujours de l’insuline. Cette chambre, c’est là où tout à commencé, c’est le lieu de naissance de cet élixir miraculeux. 

     

     

    Banting House Museum, London, Canada.
    Du vendredi au dimanche.
    Admission à partir de 3$.
    Plus d’informations sur :
    www.bantinghousenhs.ca

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