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La 4ème Réunion de haut niveau sur les maladies non transmissibles est terminée, et je ne suis pas sûr que nous ayons besoin d’une 5ème

L’activiste James Elliott s’interroge sur l’utilité de ces grands rendez-vous internationaux après avoir suivi la Quatrième Réunion de haut niveau de l’ONU sur les maladies non transmissibles et la santé mentale. Entre promesses effacées, absence du mot "insuline" dans la Déclaration finale et mise à l’écart des patients, il pose une question directe : avons-nous vraiment besoin d’une cinquième réunion ?

La 4ème Réunion de haut niveau sur les maladies non transmissibles est terminée, et je ne suis pas sûr que nous ayons besoin d’une 5ème
Capture d’écran de la retransmission en direct de la Réunion de haut niveau sur les MNT et la santé mentale
  • Pendant que les pays du monde entier se réunissaient à New York, certains d’entre nous suivaient les discours et les débats en direct sur la chaîne de l’ONU, échangeant sur le groupe WhatsApp Voices in Action: People Living with Diabetes. Certains étaient à New York, d’autres en Europe ou en Afrique, et quelques personnes veillaient très tard au Moyen-Orient et en Inde. Nous suivions tous la Quatrième Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la prévention et le contrôle des maladies non transmissibles (MNT) et la promotion de la santé mentale et du bien-être (HLM4), dont le nom n’est pas des plus concis.

     

    La Réunion a commencé par l’histoire de Kelly, une fille au Zimbabwe qui a eu la malchance de développer un diabète de type 1. Kelly n’était pas en réalité à New York. Mais c’était une “bonne histoire”. Kelly ne pouvait pas dormir la nuit à cause de fréquentes envies d’uriner. Ses parents l’ont donc emmenée consulter un médecin, elle a reçu un diagnostic de diabète de type 1 et doit désormais prendre de l’insuline pour le reste de sa vie. Sinon, elle mourrait, rapidement et dans d’atroces souffrances. Vraiment, c’est un miracle quand tout s’aligne ainsi.

     

    On pourrait se réjouir : la Déclaration politique que ces ministres et délégués s’apprêtaient à adopter devait garantir l’accès universel à l’insuline et à l’auto-surveillance glycémique pour toutes les personnes vivant avec un diabète de type 1, comme cela avait été décidé en 2022. N’est-ce pas ?

     

    Faux. Ces engagements figuraient bien dans la première version du texte, mais, selon l’équipe d’un État membre de l’ONU, ils ont été supprimés lors de la fameuse phase de "rationalisation". Mais au moins, le texte a gagné en clarté, n’est-ce pas ?

     

    Encore faux. La version finale est plus longue de 50 %, cinq pages de plus, et malgré ce gain d'espace, les négociateurs n’ont pas jugé utile d’y réinscrire ces objectifs déjà actés, ni même de mentionner les mots "diabète de type 1" ou "insuline". Nous avons pourtant lancé, cet été, une lettre ouverte rassemblant des centaines de signatures pour empêcher cette suppression. Elle a été, semble-t-il, totalement ignorée.

     

    Alors, au moins, ce document "rationalisé" a permis d’aboutir à un consensus, n’est-ce pas ?

     

    Toujours faux. Les États-Unis et l’Argentine ont publiquement désavoué cette Déclaration, ce qui fait qu’elle n’est même pas adoptée et doit désormais être soumise au vote de l’Assemblée générale, un scénario inédit dans ce type de processus.

    Discours inaugural de la Présidente de la 80ème Assemblée Générale de l’ONU lors de la 4è Réunion de haut niveau sur les MNT et la santé mentale jeudi 25 septembre 2025 / UN Photo / Loey Felipe
    Discours inaugural de la Présidente de la 80ème Assemblée Générale de l’ONU lors de la 4è Réunion de haut niveau sur les MNT et la santé mentale jeudi 25 septembre 2025 / UN Photo / Loey Felipe
  • Pour celles et ceux d’entre nous qui vivent avec un diabète et ont suivi cela en direct, ce fut une véritable leçon sur le fonctionnement, ou le dysfonctionnement, de ces réunions et processus de "haut niveau".

     

    Les discours à New York étaient, dans l’ensemble, comme une cassette qu’on passait en boucle : régime, exercice, mode de vie. Avec, de temps à autre, une condamnation du Hamas ou d’Israël.

     

    Revenons à Kelly, au Zimbabwe : elle n’a pas développé un diabète de type 1 à cause de son alimentation. Ni parce qu’elle ne faisait pas de sport. La réalité, c’est que son système immunitaire, pour une raison ou une autre, a détruit la partie de son pancréas qui produit l’insuline. Elle doit désormais s’injecter de l’insuline pour le reste de sa vie, sinon elle mourra. Aucune taxe sur le tabac, restriction sur les boissons sucrées ou campagne de promotion de la santé dans le monde ne changera cela pour Kelly.

     

    Aujourd’hui, l’agenda des MNT est défini par et pour des personnes qui ne vivent pas avec un diabète. On y accorde toute l’attention aux prises de parole de l’industrie pharmaceutique, comme celles de Boehringer Ingelheim sur le "financement innovant". On s’enthousiasme même pour la simple rumeur de la présence de la fille d’un ancien président américain à une réunion. L’argument phare présenté aux gouvernements ? Qu’il serait possible de récolter un peu plus de revenus grâce à des taxes sur les produits nocifs. Mais quand les patients, eux, demandent des améliorations concrètes d’accès aux soins et aux traitements, ils sont tout au plus écoutés poliment… avant d’être écartés au moment des décisions.

     

    Les patients sont écoutés… puis écartés au moment des décisions.

     

    Pire encore : ceux qui osent formuler des critiques, même modérées, se retrouvent privés de nouvelles invitations ou de toute possibilité de travail. Parmi les MNT, le diabète semble particulièrement piégé dans un étrange purgatoire.

     

    Vous avez un diabète de type 1 ? Vous ne représentez que 5 % de la population diabétique. Peu importe que cela signifie tout de même 10 millions de personnes, voire davantage si beaucoup d’entre nous ne mouraient pas immédiatement. Mais on utilisera volontiers (sans compensation, bien sûr) vos histoires, vos images, le fait que vous dépendez totalement des laboratoires producteurs d’insuline pour survivre, afin de produire un récit percutant, comme celui de Kelly au Zimbabwe. Mais s’il vous plaît, restez silencieux.

    Une salle quasi vide en fin de journée / capture d’écran de la retransmission en direct de la Réunion de haut niveau sur les MNT et la santé mentale
    Une salle quasi vide en fin de journée / capture d’écran de la retransmission en direct de la Réunion de haut niveau sur les MNT et la santé mentale
  • Vous avez un diabète de type 2 ? C’est encore pire. Selon ce récit simpliste et fallacieux, vous n’auriez pas dû l’attraper si seulement vous aviez respecté X, Y et Z : X signifiant être né avec le "bon" patrimoine génétique, tant pis pour les peuples autochtones ou les populations d’Asie du Sud-Est, Y signifiant être un athlète amateur allant tous les jours travailler à vélo, et Z signifiant n’avoir jamais touché à une chips. La réalité, elle, est toute autre : des jeunes et des personnes minces développent un diabète de type 2 ; certaines populations subissent encore les conséquences d’écosystèmes alimentaires détruits par le colonialisme ; et personne ne "mérite" de tomber malade.

     

    On m’a demandé avant d’écrire ce texte : où allons-nous à partir de là ? La vérité, c’est que je ne suis pas vraiment sûr de ma réponse.

     

    Mais je sais certaines choses.


    Je sais que nous, qui vivons avec un diabète, devons construire nos propres espaces et notre propre pouvoir, comme nous essayons de le faire avec Voices in Action: People Living with Diabetes in Global Health.

    Je sais que la discrimination que nous subissons dans le domaine de la santé mondiale est réelle.

    Je sais que nous n’avons pas à rester polis et respectueux quand on nous écarte des Déclarations, des financements et des décisions sous prétexte de “rationalisation”.

    Ce que je ne sais pas, en revanche, c’est si nous avons réellement besoin d’autres réunions "de haut niveau" comme celle que nous venons de vivre à New York.

     

    Nous devons construire nos propres espaces et notre propre pouvoir.

     

    Par James Elliott 

    Bluesky @jandelliott

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