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Cure du diabète de type 1 : que faut-il attendre des spécialistes de l’immunologie ?

Le diabète de type 1 a ses rendez-vous scientifiques incontournables dont le congrès de l’IDS (pour Immunology of Diabetes Society, Société de l’immunologie du diabète en français) fait partie. Cet événement qui a lieu tous les 18 mois rassemble ce qui se fait de mieux sur le sujet : professeurs émérites, jeunes chercheurs, recherche fondamentale et clinique, nouvelles études, derniers résultats, mises à jour sur la compréhension de la maladie et hypothèses novatrices, tout y est. Mais y a-t-il une place pour la notion de cure ou de guérison du diabète de type 1 au milieu de tout cela ? Pour le savoir, "Glucose toujours" s’est rendu pour vous à Bruges, en Belgique, lieu de sa 20ᵉ édition début novembre 2024.

Cure du diabète de type 1 : que faut-il attendre des spécialistes de l’immunologie ?
IDS 2024 / jdesign
  • Pour couvrir au mieux les attentes de nos lecteurs, nous avons demandé à nos abonnés de choisir le sujet qui les intéressait le plus sur l’immunologie. Cet article répond donc à une des questions plébiscitées. Retrouvez également nos deux autres articles issus de notre couverture spéciale de l’IDS, en accès libre et également traduits en anglais : “Au-delà des auto-anticorps : comment optimiser le dépistage du diabète de type 1 ?” et “Thérapies pour modifier le cours du diabète de type 1 et le guérir : des pistes variées sont à l’étude”. 

     

    Après 5 jours de congrès, 21 conférences plénières et autres sessions scientifiques, et plus d’une vingtaine d’heures de présentations cumulées, le mot “cure” a été prononcé une petite dizaine de fois seulement, et pas toujours pour parler du diabète de type 1. De quoi raisonnablement se questionner sur le rôle joué par l’immunologie du diabète dans sa possible guérison, spécialement concernant les personnes vivant déjà avec un diabète de type 1. Mais si la faible présence du mot interroge, elle peut aussi s’entendre et voici pourquoi.

  • La cure du diabète de type 1 : une conséquence plus qu’un objectif pour l’immunologie

    Le diabète de type 1 est une maladie de l’auto-immunité. Ce qui guide alors les travaux et les débats, mais aussi dicte les feuilles de route, c’est le besoin d’augmenter la connaissance sur ses mécanismes complexes. C’est d’ailleurs ce qui a permis la construction d’un consensus international sur le développement de la pathologie, rappelé dans la grande majorité des sessions du congrès de Bruges. En effet, à défaut de comprendre les raisons précises pour lesquelles se déclenche la maladie, ce sont les stades de sa progression qui sont à présent entérinés.

     

    Ainsi, du risque génétique initial, on passe à l’activation et à la réponse immunitaire assortie du développement possible d’un unique auto-anticorps du diabète. Vient ensuite le stade 1 et l’apparition de deux auto-anticorps ou plus accompagnés d’une glycémie normale. Puis le stade 2 caractérisé par une glycémie anormalement haute sans symptômes, tandis que la disparition des cellules bêta productrices d’insuline s’accélère. Enfin, le stade 3, celui du diagnostic clinique et des symptômes marquent le début d’une insulinodépendance à vie. 

     

    ➜ À lire aussi : Où en est-on dans la cure du diabète de type 1 en 2024 ?

     

    En conséquence, les personnes vivant avec un diabète de type 1 sont malades bien avant de commencer un traitement insulinique et c’est le fondement même du paradigme actuel de la recherche. C’est pourquoi tous les regards des membres de cette société savante sont tournés vers ce qui doit permettre de modifier le cours naturel de la maladie. Il s’agit pour eux de décrypter le fonctionnement de la réaction auto-immune pour la moduler et un jour prévenir l’apparition de la maladie le plus en amont possible. 


    Une prévention qui n’existe pas pour l’heure, puisque la seule thérapie modificatrice de la maladie autorisée, le teplizumab, se limite à en retarder le stade 3 de quelques mois ou années. Plus qu’un objectif à plus ou moins long terme, la cure du diabète de type 1, à proprement parler, doit être plutôt considérée comme une conséquence espérée des futures immunothérapies.

    Source : jdrf.org
    Source : jdrf.org
  • Une ère sans insuline ou la vraie cible de l’immunologie du diabète

    La modulation ou la modération de l’auto-immunité doit se traduire par une préservation à long terme des cellules bêta pancréatiques. C’est ce qui va permettre de conserver une production d’insuline suffisante pour assurer l’équilibre glycémique sans apport extérieur.

     

    Au micro de Glucose toujours, la professeure et chercheuse belge Chantal Mathieu, membre du comité local d’organisation de l’IDS, souligne l’intérêt de pouvoir déjà ralentir la progression de la maladie. Considérant l'époque actuelle comme passionnante “grâce aux thérapies modificatrices de la maladie qui sont maintenant en essais cliniques, mais aussi par la présence du teplizumab” qui, elle l’espère, sera bientôt approuvé en Europe pour les personnes atteintes de diabète de stade 2, donc à un stade présymptomatique, comme il a été approuvé par la Food and Drug Administration (autorité en charge de la régulation des médicaments) aux États-Unis.

     

    L’un des enjeux majeurs de l’immunologie dans le cas du diabète de type 1, c’est alors bien d’identifier les thérapies qui permettront demain d’envisager le traitement de cette maladie chronique sous un nouveau jour : sans injection d’insuline et par la seule protection des cellules bêta encore intactes, pour peu que cela soit fait suffisamment tôt.

    crédit : IDS 2024 (Chantal Mathieu) / jdesign
    crédit : IDS 2024 (Chantal Mathieu) / jdesign
  • Pas de cure fonctionnelle sans immunothérapie ?

    Mais si cette trajectoire menant d’un diagnostic très précoce jusqu’à un traitement sans insuline est réjouissante, elle exclut totalement les personnes qui ont déjà perdu leurs cellules bêta. Dans ce cas où la préservation de la masse bêta pancréatique n’a plus de sens, c’est de cure fonctionnelle dont on parle. Cette dernière doit permettre de remplacer ces cellules tout en contournant l’auto-immunité, et pourrait mobiliser les acquis de l’immunologie du diabète. L’endocrinologue Chantal Mathieu le confirme : “Lorsqu'il s'agit de trouver un remède pour les personnes qui vivent cette condition depuis des années, il suffit de les regarder : c’est une maladie différente.” Faisant allusion aux avancées technologiques comme les capteurs, les pompes et les systèmes hybrides en boucle fermée, elle a admis : “Ce n’est pas une guérison ; c’est une façon différente de gérer la maladie par rapport à il y a quelques années.

     

    Mais la professeure belge l’affirme : “Nous travaillons toujours sur un remède, et là, la solution viendra probablement de la transplantation de cellules. [...] Mais cela n'est cependant pas suffisant. Nous avons besoin de sources de cellules bêta en quantité suffisante, mais aussi de thérapies immunitaires, car ce que nous savons, c'est qu'il y aura tout d'abord une réaction allogénique, donc un rejet. Mais aussi, dans le cas du diabète de type 1, très spécifiquement, la maladie auto-immune réapparaîtra, et c'est un problème très difficile à résoudre.” De fait, si on sait la puissance des lymphocytes de mémoire qui, une fois entraînés à reconnaître un agent pathogène, avec un vaccin par exemple, le combattent plus rapidement et efficacement, cela est un obstacle de plus à surmonter chez les personnes vivant avec un diabète de type 1, car “la mémoire d'un système immunitaire est beaucoup plus difficile à gérer que sa réaction primaire”. Chantal Mathieu prédit des similarités fortes entre les phénomènes qui se produiront chez les personnes greffées et celles récemment diagnostiquées. En conséquence, les thérapies modificatrices de la maladie chez les personnes nouvellement atteintes seront riches d’enseignement pour maintenir les greffes d’îlots de Langerhans.

     

    Et justement, “La transplantation d’îlots est-elle prête pour son grand rendez-vous ?” est l’intitulé de l’unique session dédiée spécifiquement à la cure fonctionnelle. Mais si l’intérêt d’un rapprochement entre thérapie de remplacement cellulaire et immunothérapie lors d’un congrès scientifique dédié au diabète de type 1 paraît évident, on peut s’étonner du peu de temps qui lui est accordé. Seulement 1 h 15 sur la totalité du congrès de l’IDS pour exposer, partager et confronter le point de vue des spécialistes des greffes d’îlots et celui des experts en immunologie. Pourtant, son premier intervenant, Jason Gaglia de la Harvard Medicine School, le certifie : “Il y a des problèmes que l'IDS peut aider à résoudre dans le domaine.

  • La transplantation de cellules bêta se fait une place à Bruges

    Venu pour aborder les progrès et les défis de la greffe d’îlots, le Dr Gaglia a passé en revue les différents sujets connexes : sources cellulaires disponibles, aspects réglementaires, sites d'implantation, stratégies de protection immunitaire et mesures des résultats cliniques. Un propos gouverné par un constat simple : “Si nous voulons une thérapie qui puisse traiter toutes les personnes atteintes de diabète de type 1, il est essentiel de garantir un coût de production accessible et une source cellulaire illimitée.

     

    Il a notamment été question des îlots cadavériques, fiables, mais en quantité limitée, qui imposent un défi majeur en termes de réglementation. Considérés comme une thérapie cellulaire aux États-Unis, c’est comme dons d’organes qu’ils sont assimilés en Europe, au Canada ou en Australie. Les guides réglementaires évoluent toutefois de sorte que les essais cliniques devraient en profiter à l’avenir, avec une standardisation des critères d’inclusion.

     

    Les îlots génétiquement modifiés des essais cliniques de la biotech américaine Sana Biotechnology, et ceux dérivés de cellules souches de Vertex Pharmaceuticals ou Seraxis, tout comme la nécessité du contrôle des élevages animaliers dédiés aux xénogreffes, ont été abordés. 

     

    Concernant les sites de transplantation des cellules et après avoir évoqué la très usitée veine porte du foie, le Dr Gaglia est revenu sur le cas récemment évoqué sur Glucose toujours d’une greffe autologue réussie en Chine. Pratiquée sur le site de la gaine antérieure du muscle droit de l’abdomen, Jason Gaglia pense que “cela pourrait révolutionner les lieux de transplantation, puisqu’avec une procédure peu invasive, nous avons observé une indépendance insulinique dès le 75ᵉ jour”.

     

    Revenant à l’immunologie et à la nécessaire protection des cellules transplantées, le scientifique américain précise que “les approches traditionnelles d’immunosuppression comportent des risques d’infections et de toxicité rénale. Nous devons aller au-delà pour protéger efficacement les îlots.” Ainsi, de nouvelles stratégies d’immunosuppression sont en test, comme c’est le cas à l’institut de transplantation de là Chicago University Medicine School où il a été fait usage avec succès d’agent comme l’anti-CD40 ligand.

     

    Enfin, pour évaluer le succès des thérapies cellulaires de remplacement, il propose de retenir l’indépendance insulinique et le contrôle glycémique normal comme critères principaux. “Ce sont ces aspects qui devraient devenir notre priorité, en remplaçant les mesures historiques de bêta score basées sur la dose d’insuline, l’hémoglobine glyquée ou la sécrétion de peptide C.


    Si les perspectives dans le domaine du remplacement cellulaire s’annoncent plutôt brillantes, plusieurs questions émanant de l’assistance ont mis en lumière les enjeux économiques liés à la transplantation et particulièrement en ce qui concerne les cellules souches. Sur ce point, le Dr Gaglia répond sans détours : “Nous ne pouvons pas ruiner les systèmes de santé. La faisabilité économique sera essentielle pour que ces traitements atteignent un public plus large.” Le coût actuel de ces thérapies approchant le million de dollars par patient environ, seule la réduction des coûts grâce à des produits standardisés, issus de banques cellulaires, permettra leur déploiement.

    crédit : IDS 2024 (Jason Gaglia) / jdesign
    crédit : IDS 2024 (Jason Gaglia) / jdesign
  • Cet article fait partie d’une série de trois sur le congrès de l’Immunology of Diabetes Society. Afin de rendre ces articles en libre accès, cette couverture spéciale est financée par l’IDS, mais Glucose toujours conserve pleinement son indépendance éditoriale.

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